Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Chauffeur, vous qui n’écoutez jamais, crie-t-elle, écoutez et je vous pardonne, allez doucement, à cause de la poussière, et vous en ferez encore moins en arrêtant.

Elle descend, elle vient.

— À la bonne heure ! dit le chauffeur qui nous contemple, parlez-m’en !

Elle vient ; le vent gonfle sa jupe plissée ; elle va faire la roue. Un jabot cravate la jaquette havane. Elle marche en s’appuyant toute sur la jambe qui touche terre, en souriant d’un seul coin des lèvres, alternativement, comme si tout son être allait l’amble, puis, s’étirant, elle secoue les épaules et porte les mains aux hanches. Alors elle sait où est sa taille, sa montre, son cœur, et nous sourit.

— Monsieur, monsieur, dit-elle, je ne sais quelle chose me dit que je peux avoir confiance et vous serrer les deux mains. J’ouvre mon cœur, laissez vous répondre, et dites pourquoi je suis triste.

J’embrassai ses mains, l’une après l’autre, et je ne savais comment m’arrêter, n’ayant pas pris de point de repère.

— Vous n’êtes pas triste, lui dis-je ; et vous