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— Qui suis-je ? avez-vous dit. Je suis la Vérité.

Vous n’étiez pas la Vérité. La Vérité est toute nue, comme vous, mais elle porte sa nudité ainsi qu’un uniforme, et elle s’accoude à chaque margelle pour regarder dans l’eau comment elle lui va. La Vérité se déshabillerait, et se déshabillerait encore, que cela ne nous étonnerait point, pas plus que le clown aux mille gilets. Elle se croit nue parce qu’elle n’a pas de vêtement, comme celles qui se croient belles parce qu’elles ne sont pas fardées. Tandis que près de vous, dans la campagne, tout ce que je croyais nu jusque-là se voila et se couvrit. Les sources n’étaient plus que la cornée de verre qui protège de l’air des mousses ; les couleurs des fleurs n’étaient plus les fleurs même ; sous le blanc laqué, sous les gouaches et les huiles, se devinait une menuiserie maladroite, couleur de bois blanc. Et, sous chacune de mes paroles logeait, comme un noyau, un mot divin.

Nous allions lentement, côte à côte ; chacun de vos mouvements soyeux m’emplissait d’une sollicitude et d’une angoisse infinies ; il me semblait que l’ombre des branches vous blessait comme un faux pli ; le soleil posait sur votre