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I

LE PRINTEMPS


C’était le printemps, frère de l’été. Vous n’auriez pas su distinguer le blé du gazon, ni l’amitié de l’amour ; le ciel était lointain, et montait jusqu’au soleil ; les haleines des hommes ne ternissaient plus l’air, et ne s’y continuaient pas comme une rivière boueuse dans un fleuve transparent ; les trains seuls, à l’horizon, fumaient ; c’étaient les pluies fines tombant de l’azur comme si midi avait sa rosée ; c’était un petit ruisseau, amoureux de son eau, et qui courait après elle, murmurant en vain des noms. Le soleil n’était plus un patron dédaigneux, venant voir vers midi si les compagnons sont à l’ouvrage ; il se levait avec son chantier, escortait les diligences jusqu’aux bourgs, s’arrêtait parfois au-dessus des étangs, et pouvait voir déjà, en s’en allant,