Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’âne pour lui masquer les chevaux qui le dépassaient. Au-dessus de la lucarne une mésange, réveillée en sursaut, oubliant que ses œufs n’étaient pas encore pondus, appelait en sanglotant ses petits ; au ciel encore incolore les alouettes montaient et viraient pour voir la foire de plus haut, et redescendaient en trombe vers l’étang désargenté qu’elles prenaient, de si loin, pour un miroir. Le soleil rougi passait au blanc et, délesté, il s’enleva.

Jean ouvrit la fenêtre. Sa chemise fraîchie flotta autour de lui, et, pour s’habituer à l’air, il la frottait contre son ventre, à poignée, ainsi que les petites filles qui entrent dans l’eau. Il gardait les yeux ouverts malgré sa fatigue, car même s’il les fermait, il sentait les prunelles fixes, lassantes, ne basculant jamais tout au fond et tout en dessous. Des frissons secouaient sa gorge à demi serrée. Il les prenait pour des sanglots et ne savait comment expliquer sa tristesse.

Il s’était endormi dans l’éblouissement de la foire et de demain. Des cloches l’avaient réveillé à chaque heure et chaque fois, après une seconde d’inquiétude et de recherche désespérée, il avait