Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III


Les roulottes se traînent au flanc droit de la chaussée, ras à l’accotement, pour que le cheval, qui est borgne à gauche, se croie dans une prairie et avance par plaisir. L’été cire et boursoufle leurs planches décolorées ; il suffirait de les renverser sur leur derrière, pour avoir tout le long de la route une armée de moulins à vent sans ailes, tels que vous en voyez, en Hollande, au bord du chemin de fer, moulant la fumée. L’été cire et boursoufle les côtes du cheval que la peau inonde comme un tapis râpé. Sur le toit, le singe cherche ses puces, inquiet comme s’il commettait une mauvaise action et les prenait à d’autres, puis il les mange en cachette, car on les lui arracherait pour les dresser. De petits bohémiens errent dans les fossés, s’attardent aux aqueducs, aux caniveaux, sûrs que personne ne les volera. Les estropiés restent autour de la voiture, soufflant quand elle s’arrête. Tous prennent l’angélus