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s’agenouilla près de la pompe, pelant des pommes de terre, et il n’osait se dire que c’était demain. Chaque minute, une fois écoulée, attendait, et il semblait qu’on dût la retourner comme un sablier. Jean n’osait les compter. Alors, il cira les souliers longuement, soufflant sur le cuir luisant pour les reternir, menaçant en riant sa mère de cirer les semelles ; une voiture de maraîcher, avant-coureuse de la foire, s’arrêta et il tint le vieux bidet par la bride, pour s’occuper, alors qu’il y avait un anneau scellé à la borne et une longe dans le coffre. Il tirait sur le mors pour montrer au cheval des lézards sur le mur mal crépi, et une tête de cheval en bois, au-dessus de la remise. Il puisa ensuite un seau d’eau, qu’il laissait retomber à demi hissé, qui surnageait désespérément, et qui remonta enfin, du miroir, son image ; il le rapporta gouttant à travers le jardin, le posant pour lancer des mottes de terre au chien qui piétinait les plates-bandes ; en l’installant dans l’évier, il fit tomber des gouttes sur ses souliers, qu’il recira, jusqu’au moment où sa mère se fâcha et mit les brosses sous clef. Le père Pin lui offrit une prise, pour le consoler ; il s’assit devant la porte, battant le fléau sur ses genoux,