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Et Jean, radieux et flatté, lui faisait le tour de l’épingle qu’on enfonce dans la tête et qui ressort par le genou. Puis il lui apprit la devinette de ce qui va à Paris sans bouger. Puis il surprit, dans le buisson, une petite chose grise qui se blottissait, menue comme une souris. C’en était presque une, c’était un oiseau ; c’était, tout seul, au fond d’un vaste nid, un moineau abandonné ; il piaulait, nu et grelottant, attendant que les plumes du nid se collent à son corps, à mesure qu’il grandirait. Jean piqua son canif dans le gazon du remblai et posa le moineau devant la lame, pour qu’il s’endorme, les yeux ouverts ; il jouait ainsi avec les poules que les paysannes déposent sur le banc de l’octroi, — mais les oiseaux, sans doute, n’ont peur des couteaux que quand ils sont déjà vieux et se méfient ; l’oisillon culbutait à droite, trottinait à gauche, puis s’arrêtait, satisfait, croyant avoir traversé un rayon de lumière. Tout à coup, comme si la peur lui eût été révélée, il s’accroupit, hérissa à défaut de plume sa peau en chair de poule, et, sous les yeux des enfants qui se serraient l’un contre l’autre, il serait resté là éternellement, attendant la chute du ciel ou celle du couteau. Jean appuyait son oreille contre celle