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lait et haussa les épaules, sans embarras. Jean, dans la fierté d’être vu à son côté, ne l’écoutait qu’à demi et se contentait de lui sourire. D’ailleurs toutes les fillettes avaient deviné, et elles étaient déjà debout, s’arrachant des buvards.

Et toutes celles qui sentaient leurs oreilles mûrir contre leur tête ainsi qu’un fruit délicieux ; toutes celles dont les grand’mères avaient cru amollir le lobe, depuis l’hiver, en le massant de leurs doigts maigres ; celles que les gamins embrassaient le soir, sous les oreilles ; et les oreilles qui ne voulaient plus être tirées, et les oreilles qui s’étalaient, nacrées, comme une coquille qui attend sa perle ; et toutes les petites filles, dont les aïeules étaient mortes dans l’année, leur léguant à jamais des boucles déjà trop minces, toutes se rangèrent par deux, tapotant les jupes. Elles défilèrent à demi honteuses, caressant leurs oreilles, les regardant à la dérobée, dans des miroirs, de l’air faussement tranquille de communiantes qui vont à confesse. Germaine marchait en tête, de petits pieds résolus qui ne se rencontraient pas, avec la grosse Clotilde, aux oreilles si épaisses qu’il faudrait une aiguille à tricoter. Elles se souriaient au passage