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un lorgnon. Mais le chien descendait l’escalier et elles repartirent, affectant la tranquillité et mordillant des salades. Derrière les oies, sans être annoncées et sans marcher au pas, vinrent les poules, aux yeux ajustés comme des oreillères et qui s’occupaient, provocantes, à chercher quelque chose qu’elles n’avaient pas perdu.

— Voilà le cheval qui tourne la meule !

Le cheval qui tourne la meule passa, affairé, comme si, avant le crépuscule, il avait à tourner autour du soleil. Les poules le suivirent, remplies d’espoir.

— Voilà le père Bouvet.

Le petit duc le regardait sans étonnement, mais, Jean, tout ému, se leva. Le père Bouvet, le perceur d’oreilles, ne passait qu’une fois l’an, le dimanche qui précédait la foire, à la joie des fillettes et des couturières, car il vendait des boucles pour les oreilles qu’il trouait et lui seul de plus savait ce que c’était que repasser les ciseaux. Il en portait déjà une dizaine, suspendus à sa ceinture, ouvrant le bec comme des perdrix tuées et l’on se demandait s’ils ne servaient pas à percer les oreilles trop charnues. Il pria Jean d’aller annoncer son arrivée à l’institutrice, et