Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entrent, crête haute, sans déclaration ; les moutons, marqués au dos de ce même rouge-brun dont on badigeonne les chênes à abattre, et qui s’étonnent de n’avoir pas trouvé d’herbe sur la route. Des enfants, encore ni blonds ni bruns, grimpent sur les barres de fonte où l’on attache les génisses au front frisé, bavant la crème, ni rouges ni blanches encore. D’en face, la mairie surveille, revêche aux rayons insistants, l’après-midi, comme une sous-maîtresse qu’une élève taquine du fond de la classe avec son miroir, — et fermant rageusement ses persiennes, vers le soir, quand l’ombre du clocher où danse l’ombre des cloches traverse la chaussée et monte jusqu’à son balcon.

Les deux enfants étaient assis, les bras ballants, le dos voûté, sous la fenêtre du bureau. Jean, le fils de l’employé de l’octroi, répondait sans hâte aux questions de son camarade et souriait, de bonheur. Après dix ans écoulés sans amis, il n’était plus seul, depuis ce soir, et pour toujours. Rudoyé par son père qui ne lui permettait pas de quitter l’instituteur pour les Frères, traité en ennemi par les autres gamins qui se réunissaient, la classe finie, pour jouer au