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ONDINE
LE SURINTENDANT

J’ai régi un théâtre, vide avec les classiques, qui n’a connu l’euphorie qu’avec une farce de housards : c’était un théâtre femelle… Un autre qu’avec les chœurs de la Sixtine, c’était un théâtre inverti. Et si j’ai dû fermer, lan dernier, le Théâtre du Parc, c’est par raison d’État et haute convenance, parce qu’il ne peut supporter que la pièce incestueuse…

LE CHAMBELLAN

Et la clef de notre scène royale est Salammbô ?

LE SURINTENDANT

Vous l’avez dit. Au seul nom de Salammbô, cette astringence, hélas constitutive, des pharynx de nos choristes, se relâche, et nous donne des voix un peu discordes mais éclatantes. Les treuils que Faust rouille et noue tournent soudain à leur vitesse ; les colonnes que dix équipes ne pouvaient soulever qu’en accrochant rideaux et corniches se dressent, plus distinctes que le jonchet, au doigt d’un seul machiniste. La tristesse, l’insubordination, la poussière fuient ces lieux à tire-d’aile avec les fameuses colombes. Parfois, alors que je donne un opéra allemand, de ma loge je vois un de mes chanteurs pétillant de joie, lançant ses notes à pleine gorge, dominant l’orchestre de sa pétulance et provoquant dans le public l’applaus et l’aise :