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JEAN GIRAUDOUX

HANS

Tâche de vivre ! C’est facile à dire. Si cela seulement m’intéressait de vivre ! Depuis que tu es partie, tout ce que mon corps faisait de lui-même, il faut que je le lui ordonne. Je ne vois le gazon vert que si je dis à mes yeux de le voir vert. Si tu crois que c’est gai, le gazon noir !… C’est une intendance exténuante. J’ai à commander à cinq sens, à trente muscles, à mes os eux-mêmes. Un moment d’inattention, et j’oublierai d’entendre, de respirer… Il est mort parce que respirer l’embêtait, dira-t-on… Il est mort d’amour… Qu’es-tu venue me dire, Ondine ? Pourquoi t’es-tu laissée reprendre ?

ONDINE

Pour te dire que je serai ta veuve Ondine.

HANS

Ma veuve ? En effet, j’y pensais. Je serai le premier des Wittenstein à n’avoir pas de veuve qui porte mon deuil et qui dise : « Il ne me voit pas, soyons belle… Il ne m’entend pas, parlons pour lui… » Il n’y aura qu’une Ondine, toujours la même, et qui m’aura oublie… Cela aussi n’est pas très juste…

ONDINE

Justement. Rassure-toi… J’ai pris mes précautions. Tu me reprochais parfois de ne pas varier mes allées et venues dans ta maison, de ne