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JEAN GIRAUDOUX

j’apparais çà et là comme un grand niais, bête comme un homme. Il s’agit bien de moi dans cette histoire ! J’ai aimé Ondine parce qu’elle le voulait, je l’ai trompée parce qu’il le fallait J’étais né pour vivre entre mon écurie et ma meute… Non. J’ai été pris entre toute la nature et toute la destinée, comme un rat.

ONDINE

Pardonne-moi, Hans.

HANS

Pourquoi se trompent-elles toujours ainsi, qu’elles s’appellent Artémise, ou Cléopâtre, ou Ondine ! Les hommes faits pour l’amour, ce sont les petits professeurs à gros nez, les rentiers gras avec des lippes, les juifs à lunettes : ceux-là ont le temps d’éprouver, de jouir, de souffrir… Non !… Elles fondent sur un pauvre général Antonius, sur un pauvre chevalier Hans, sur un misérable humain moyen… Et c’est fini pour lui désormais. Moi, je n’avais pas une minute dans la vie, avec la guerre, le pansage, le courre et le piégeage ! Non, il a fallu y ajouter le feu dans les veines, le poison dans les yeux, les aromates et le fiel dans la bouche. Du ciel à l’enfer on m’a secoué, concassé, écorché ! Sans compter que je ne suis pas doué pour voir le pittoresque de l’aventure… Ce n’est pas très juste.