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ONDINE

chevauchait, que n’accompagnait point le cavalier armé de faux. Sous les mais, les moissonneurs dansaient par couples auxquels ne s’entrelaçait point un tiers visqueux, à face de brochet. La roue du moulin tournait sur sa farine sans que la ceignit une roue immense dont les rayons battaient des dammés nus. Tout était voué au travail, aux cris, aux danses, et cependant je goûtais pour la première fois une solitude, la solitude humaine… Le cor de la diligence, résonnait, sans que le doublât la trompette du Jugement… C’est le seul moment de ma vie, chevalier, où j’aie senti les esprits abandonner la terre aux hommes, où un appel inattendu les ait convoqués, vers d’autres retraites, d’autres planètes… C’était évidemment, si cela durait, la fin de notre carrière, mon cher collègue. Mais nous ne risquions rien ! Soudain, en une seconde, le lansquenet fut rejoint par la mort, les couples se trouvèrent trois, des balais et des lances pendaient par les nuages… L’autre planète les avait déçus ; ils revenaient. En une seconde, tous étaient revenus. Ils avaient tout quitté, comètes, firmaments, jeux du ciel, pour revenir me voir m’éponger et me moucher, avec un mouchoir à losanges… Voilà l’accusée ! Qu’un garde la maintienne debout. Si elle se met sur le ventre, ce sera comme la femme anguille de dimanche, elle sera au Rhin avant nous…