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JEAN GIRAUDOUX

dont il ne peut se défaire : sa parole et son visage. S’il a peur, ils doivent exprimer le courage. S’il ment, la franchise. Il n’est pas malséant ? non plus, sil leur arrive de parler vrai, qu’ils aient l’air de parler faux. Cela donne à la vérité cet aspect équivoque qui la désavantage le moins vis-à-vis de l’hypocrisie… Prenons l’exemple que dans votre innocence vous avez choisi vous-même. Je renonce à l’exemple sur l’odeur de brûlé qui était mon exemple ordinaire… Oui, ma main est humide… Ma main droite, la gauche est la sécheresse même. Elle me brûle, l’été… Oui, depuis mon enfance, je le sais, et j’en souffre. Ma nourrice, quand je touchais son sein, confondait mes lèvres et mes doigts, et la légende qui veut que je tienne cette particularité de mon ancêtre Onulphe, qui plongea par mégarde son poignet dans l’huile sainte, ne m’est pas une consolation… Mais tout humide que soit ma main, mon bras est long, il touche au trône, il obtient les récompenses et les disgrâces… Me déplaire est mettre en jeu sa faveur, celle de son mari, surtout si l’on raille mes tares physiques, ma tare physique !… Je n’en ai d’ailleurs pas de morales… Et maintenant, belle Ondine, si vous m’avez suivi, dites-moi, en femme de cour avertie, comment est-elle, ma main ?

ONDINE

Humide… Comme vos pieds.