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à peine du malheur. Il se moqua de ses larmes, la consola. Pourquoi pleurer pour de la porcelaine cassée ? Il ne savait pas qu’elle pleurait pour de l’airain, pour du fer cassé. Elle se sentait tranchée de lui, tout un de ses côtés était à vif. Elle voyait qu’était venue la période où il ferait laver les tasses par la domestique. Elle pensa à la mort de Jérôme. C’est comme cela que se suicident les raffinés : la veille ils ne bronchent pas si leur collection de timbres brûle ou leur Degas se crève. Elle constata soudain que la vieillesse, la sécheresse avaient gagné tout dans le jardin. Les plants d’hiver n’étaient pas semés. La salade était hors d’âge. Pas de réserve de joncs, de sarments. Dans l’allée où Jérôme autrefois se promenait chaque après-midi en fumant son cigare, du gazon. L’abandon s’installait autour de son mari comme autour d’une personne morte.