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fois sentit sur ses mains les larmes de l’enfant. L’une d’elles coulait sur sa joue, bien gonflée, pure. L’enfant souriait à son père, ne bougeait plus. La larme semblait née non plus du désespoir, mais du calme. Elle était devenue comme tout chagrin d’enfant au bout d’une minute, un signe de bonheur. Elle tremblotait. Elle allait glisser. Ce n’était pas une larme à boire en 1937 ou en 1926 ou demain. Larme salée, acidulée, une larme de grande personne. Peut-être que tout ce qu’il aurait eu de cet enfant eût été ainsi amertume. Il se sentit lâche, non point devant le bonheur qu’il abandonnait, mais devant les malheurs qui pouvaient surgir de ce fils… C’est du malheur, Bardini le sentait, qu’on se sépare avec le plus de peine. L’enfant était nu. Au fond de ses yeux, les couleurs broyées par les générations de Bardini et de Fra-