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lousement contre les autres, je les lui abandonne: peu m’importe, avec elle, qu’on mette trois morceaux de sucre dans mon café, qu’on allume ma cigarette avec une allumette soufrée, qu’il y ait des huîtres cuites dans la timbale milanaise. Cela n’arrive d’ailleurs jamais, elle a le plus classique des maîtres d’hôtels.

Je ne sais si elle est malheureuse, si elle l’a été. Mais elle possède cette beauté altière et résignée à laquelle doivent s’attaquer, si elles existent, les forces du mal. C’est à elle que je pense en lisant les histoires démoniaques de ces petites résidences allemandes, où, soudain, inconnue de tous et pourtant invitée du prince, logée dans la chambre dont les glaces sont roses, les lustres en vrai papier mâché, dont les trumeaux illustrent la vie d’un perroquet chinois, écuyère intrépide, cheveux noirs, yeux bleus, arrive une étrangère. On la fête avec passion. Mais au bout de quelques semaines, tous les officiers de la maison, un à un, se suicident. Le fiancé de la princesse héritière se noie. Et l’on découvre qu’un mendiant, haut de huit pieds, avec tant de rides croisées sur son visage qu’un oiseau de nuit