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4o ÉCOLE DES INDIFFÉRENTS

était obligé d'aller en zig-zag. Celui-là se mettait en colère quand on prétendait pré- férer le poulet au faisan. Un troisième, qui n'était pas haïtien, s'était composé un uni- forme modèle, avec les plus belles couleurs, et il allait dans les soirées, empanaché, et il sui- vait les grands enterrements. Je connus aussi des poètes qui portaient respectueusement leurs longs cheveux, leurs larges cravates.

Dès le lycée, d'ailleurs, j'avais divisé mes camarades en deux groupes : dans le premier, je rangeais ceux qui me paraissaient avoir ce ressort et cette tenue que les entraîneurs ap- pellent de la classe. Dans le second je par- quais tous les autres. Pour ceux-ci, je ne fai- sais jamais de frais. Je causais avec eux le plus économiquement possible et mes maîtres s'inquiétaient de me voir si souvent isolé et silencieux. Un jour le professeur de philoso- phie m'appela après la classe, et me garda près de sa chaire. C'était un grand jeune homme barbu qui portait toujours un para- pluie, à la façon des instituteurs. Comme eux il était borné et enthousiaste.

— Jacques, me dit-il, je suis votre direc-

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