LE FAIBLE BERNARD 21 5
C'était un régiment qui passait, revenant des manœuvres. Encore séparés par le som- meil, les homiTies à peine causaient. Ils étaient au pas de route : chacun, l'ancien fermier, l'ancien comptable, l'ancien plongeur, sui- vant la cadence qu'il allait aux champs, à l'atelier, au restaurant, mais tous marchaient à la même vitesse et Bernard trouvait ef- frayant que ce garçon de ferme eût ainsi à vivre deux fois plus vite, ce garçon de café- deux fois plus lentement. Pauvre armée ! Tous les problèmes de l'équipement parais- saient, à cette heure, si vains, si vides : la suppression des capotes, des képis pompon, des tambours, l'adoption d'épaulettes noires pour les enterrements, quels passe temps pour occuper les hommes ! Et cependant, à sa fenêtre, malgré lui, il affectait l'allure militaire, il regardait sacs et vareuses en homme du métier; il souhaitait que les soldats affaissés, en le voyant ainsi froncer le sourcil, le prissent pour un officier en civil et rectifiassent la position. Mais il ne réussit qu'à faire sourire un adjudant trapu, sur lequel la médaille militaire s'étalait
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