LE FAIBLE BERNARD 20T
boutades, et donnait pour excuse son humour, qu'il disait anglais. Il feignait, au café, avec la main qui battait l'air, d'atteindre au gou- lot la carafe, qu'il retenait de la main placée à la base. Il glissait sur des pelures d'orange imaginaires. Il imitait le chien qu'on écrase, la lime, l'omnibus Panthéon sur le pont de la Concorde. Et cependant dès qu'un cama- rade le traitait de pitre ou de clown, il se sentait atteint en plein cœur. Il devenait brusquement rageur et mélancolique, Comme si l'humour anglais empêchait de comprendre la gravité, le poids de l'existence! Bernard se faisait fort d'être, s'il le voulait, plus triste qu'aucun d'eux, et avec plus de raison. Il n'y avait d'ailleurs pas tant de motifs d'être gai, dans la vie.
Il passait devant la maison de son oncle. 11 entra. Le capitaine Golaud habitait une petite rue qui portait son nom : la municipalité l'avait baptisée alors que lieu- tenant il avait enlevé à lui seul une batterie chinoise. Dans la salle à manger, il découpait la bordure noire de quelques lettres de faire part; il les conservait, ainsi inoffensives,
�� �