Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE FAIBLE BERNARD l55

dant la marche, — les bras allongés, les chevilles réunies par l'étroite robe — que n'en contiendra son cercueil. Mais Bernard le subtil se rendait compte que cette non- chalance et ce teint adorable étaient des qualités de caste, que les égaux de cette femme ne les remarqueraient point : il essayait de découvrir sa force ou sa tare originale.

Elle allait, de ce pas indivisible qui va une autre allure que le temps, mais, nouvelle Atalante, elle devait s'arrêter et contempler, à chaque vitrine, les diamants et les perles que Bernard y avait fait disposer. Il osa se tenir près d'elle, devant le magasin d'un antiquaire. Les objets étaient rares et isolés comme dans un salon : un Christ d'ivoire sans croix, qui sur tout objet, maintenant, était crucifié; un petit dieu égyptien cloué sur son siège : il était taillé dans le même porphyre que les statues de Memnon, le soleil couchant arrivait sur lui, une minute, et, comme elles, il allait doucement se plaindre. C'est alors que Bernard leva les yeux. Il les rabaissa, découragé.

�� �