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chambre, il arrivait encore, par n'importe quelle humeur, à se taire. Il s'ingéniait même à favoriser le silence en marchant sur la pointe des pieds, en enjambant le parquet de tapis à tapis, en allumant la lampe avant riieure. Dans la rue, il devenait aussitôt parent de ces jouets qui ne roulent qu'en poussant des cris. Il esquissait même les ges- tes. Quand il ne parlait point d'ailleurs, il n'était pas très certain de penser. 11 surveillait des heures entières les objets de son apparte- ment, désœuvré et vide tie projets comme un pâtre; il attendait que l'un d'eux s'écartât du troupeau; il redressait ce cadre, il reculait, il rattrapait celte potiche. Certes, il sentait au fond de lui une force, une base... de quoi penser onlin, mais il y avait presque toujours le vide entre sa pensée et sa parole. Il suffi- sait, pour l'amorçage, de prononcer les pre- mières phrases venues :

— Je veuY... je vais parler. Je parle... Je l'aime.

Il se proposait, en riant de choisir, une fois pour toutes, la fornude définitive. Son esprit paresseux mis en train, il faisait souvent les

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