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ELPÉNOR

époux de deux sœurs jumelles vivent, visage oblique et regards croisés, tournés chacun vers celle qui n’est point sa femme ; ainsi un courant doré tournait autour des îles ainsi qu’une lanière et les compagnons, remuant d’impatience le pied, comme le repasseur, y aiguisaient leur désir. Ils ne voulaient pas voir que posséder la seconde image du bonheur, c’est en convoiter la troisième et se livrer à la chaîne infinie. Ils n’imaginaient non plus qu’ils pouvaient dans ce miroir se rencontrer eux-mêmes et, comme deux chèvres sur la planche qu’enjambe l’abîme, se heurter du front à leur propre existence. Toujours est-il qu’ils refusaient de jouer avec leurs osselets encore tout frais arrachés du jour aux tendres agneaux, car ils avaient