Page:Giraudoux - Combat avec l’ange.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
COMBAT AVEC L'ANGE

coupe avec ce qui promet et avec ce qui échappe. Si la tristesse réclamait, je ne vous dirai pas ce que je dirais à la tristesse. Aussi, alors que les années de veillées d’armes engourdissent les autres ou les surchargent, et que ce sont des gens nerveux et encombrés qu’elles envoient à la crise ou au combat, j’arrive sans bagage, sans passé, sans image spéciale de Calypso, devant le cataclysme ou le conflit humain.

Cette fois-ci, je constatais un perfectionnement dans mes méthodes. Les êtres, les objets se détachaient, tombaient de moi d’eux-mêmes. Ma voiture avait été volée l’autre semaine, devant la boutique de coiffeur où j’allais faire couper ras les cheveux de l’époque heureuse. La dame du kiosque avait vu un grand jeune homme, à longs cheveux celui-là, à pardessus beige avec revers de soie, vérifier les numéros de l’auto, les plaques, et jusqu’aux phares. Elle ne s’était pas méfiée. Elle pensait qu'il venait en prendre livraison, d’autant plus que la voiture était partie à son premier coup de démarreur... À mon avis le voleur s’était même donné trop de peine. J’étais sûr qu’elle l’eût suivi, s’il avait marché devant et s’il lui avait fait un signe. Je savais de quoi sont capables les objets pour s’assurer une existence avec un humain à revers de soie... Le lendemain mon chien s'était perdu. Sous la voûte de la concierge,