tout oser, tout penser, tout voir. Il est au-dessus de la joie, du respect, du chagrin. Évidemment, quand j’étais vainqueur, voilà vingt-deux ans, j’ai frémi parfois de rage à l’idée de cette pureté qui m’échappait et dont les vaincus ruisselaient. J’ai envié leurs mains ouvertes, leur face vide, et leur départ du souci quotidien et éternel. J’ai envié leur congé de la vertu, de l’obéissance, de la beauté, seules vraies vacances. J’étais obligé pour jouir de ma victoire de m’isoler de mes camarades vainqueurs, de me laver d’eux, de l’offrir comme un bijou humain et minuscule à des paysages ignorés, à des nuits de tempête. Je fus très malade ; alors j’étais satisfait, j’étais un vainqueur qui allait mourir… Et il est vrai aussi que notre histoire est écrite autant avec les défaites qu’avec les
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ARMISTICE À BORDEAUX
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