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JEAN GIRAUDOUX

passage de ces étrangers méprisants, je sens monter en toi la vraie faim, celle des injures, la vraie soif, celle du fiel. Parce que tu les suis des yeux en sifflotant et que tu te dis : « Oui, c’est par là que nous nous vengerons du blâme et du déshonneur, par l’irritation où nous pousserons un jour l’univers à voir que nous, qui avons fui, nous personnifions à nouveau l’audace, que nous, qui avons renié, nous personnifions à nouveau la foi et que de cette horrible fadeur dans nos bouches et nos têtes, nous ferons à nouveau le sel du monde. » Parce que ce n’est pas toi enfin qui battra ta coulpe dans cette catastrophe comme moi d’ailleurs. Cet aveu de fautes qu’on nous réclame, je ne sais pourquoi, de toutes parts, ce désaveu de notre vie, comme moi, comme tous nos égaux, tu le

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