pour un père vivant, dans la prière du soir, par la phrase pour un père mort ; qu’une mère recommençait à manger un peu, à boire un peu de lait, à ne plus résister à ceux qui parlaient de phoscao, de biscottes…
Aujourd’hui Jacques était mort. Avec Gonzalve, qui ne le quittait pas et que nous commencions, lui aussi, à aimer. L’avion qu’il conduisait s’était abattu près de Meaux, et ainsi mon ami si cher avait tué avec lui le seul moyen de le retrouver un peu, un ami à peine moins cher, son seul reflet. Il était mort aussitôt. Gonzalve avait vécu huit heures. Les amis de Jacques étaient arrivés en foule de Paris, de Dammartin, de Melun. Gonzalve put les recevoir, leur parler, leur dire que Jacques n’avait pas commis de faute. L’avion s’était abattu de lui-même, et comme pour certains la vie se brise sans qu’ils aient eu un premier léger tort envers elle, une première maladresse, fait un petit mensonge, conçu une petite haine. Toute sa famille était trop loin, à Pau, à Nice, quelqu’un à Venise ; il écrivit à sa mère, à son père, signa avec son sang, fit recharger son stylo, à une amie, mais il ne vit que les amis de Jacques, leur transmit les derniers mots de Jacques, qui furent ainsi, à huit heures d’intervalle ses derniers mots. Il était calme, calme. On se consolait presque de donner cette parcelle sereine à l’éternité. Mais on pensa tout à coup, un inconnu qui se trouvait là pensa à lui dire qu’il mourait pour la France. Il se mit alors à pleurer. Il ne chercha plus d’excuse à sa chute. L’idée de cet honneur en lui détruisit soudain