fraîches peut-être ce mois-ci, mais entières, nues ou en
maillot, car juillet venait. Les commissions, les visites,
la vie menée, pendant un mois, entre trente visages éclatants
et doux (car les femmes en juin sont d’humeur
soumise), allait se continuer un mois entre le même nombre
de corps dédaigneux ; et certaines tournaient même le dos,
ajustant leurs bas ruisselants ; et les flèches familières de
trente affectueux regards étaient retirées de votre cœur, —
de trente moins une — car le magazine d’une ville lointaine
n’était pas encore renouvelé et une tête du mois
écoulé survivait. C’était aussi samedi, et toute l’Amérique,
avant de s’enfoncer dans la saison des vacances — comme elle
se douche avant de se jeter dans la piscine — énergiquement
se purifiait du travail par un week-end. On éteignait les
cheminées des usines à midi juste ; il ne restait sur le sol
du four qu’un petit cercle d’or, tout rond, car le soleil
était au zénith et tout plat. Au moment où le rideau de fer
allait atteindre le tapis des devantures, décidés enfin, les
directeurs à quatre pattes s’évadaient. Dans les hauts bazars
transparents on voyait de la rue chaque étage se vider de ses
ombres, en commençant par le plus élevé, et les façades
peuplées de reflets innombrables devenaient pour deux jours
insensibles. Les vrais soldats commençaient à s’habiller
pour ces deux jours en civil, et tous les autres Américains en
uniforme. Les vétérans de la Sécession, esclaves des horaires,
se hâtaient vers les trains ; les omnibus combles de fillettes
en kaki brûlaient les stations, où attendaient avec honneur
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