dessous de son portrait d’enfant, et qui venait par cascades à nous du temps victorien, comme dans un poème, par trois métaphores, l’inoffensive idée de la vie d’un Poète.
Ensuite les mères… Soudain, en pleine rue, elles aperçoivent les officiers français qui viennent droit sur elles, elles tressaillent. Nous nous écartons, mais notre première image, partie de nous si brusquement, ne les évite pas, et les traverse. Elles n’osent nous suivre, elles n’osent se retourner, elles s’arrêtent, toutes droites, et chacune, sans pensée, est seulement une seconde sa propre statue. Mais le lendemain, nous rencontrant dans un wagon, elles s’enhardissent ; elles viennent s’asseoir près de nous ; elles ont pensé depuis la veille à l’étoffe de notre uniforme qu’elles tâtent, pour savoir de quoi s’habillent leurs fils en France, à nos boutons de métal, qu’elles soupèsent, pour être sûres qu’ils peuvent arrêter une balle tirée juste en leur centre. Elles disent :
— Mon fils est infirmier dans les Vosges. Il revient pour s’engager, que j’en suis heureuse !
— Mon fils est votre soldat au régiment de Harvard. Hier il a fait son testament, depuis il vit au hasard. Il est parti ce matin sans dire l’heure du souper.
— Mes deux fils partent demain pour le camp de Plattsburg. Mon mari, M. Cannon, l’ancien chapelain, nous répète : — Je veux donner à la France deux canons, l’un de cinq pieds sept pouces, l’autre de six pieds… Mon mari aime rire.
Mères imprudentes, qui envoyez vos fils à la guerre !