Curieuse, elle avançait sur le rivage même de la vie où je
l’attirais non sans ruse. D’abord je lui contai le plus beau
rêve qu’un homme ait jamais fait. Puis je lui dis la plus
belle histoire véritable. Au loin la mer étincelait, mais
couverte de rayons cassés et morts, et je ne sais quel poète
hypocrite y avait péché à la grenade. Parfois j’avais à
prononcer un mot étrange et dangereux, le mot « Oubli »,
le mot « Joie », le mot « Haine » et alors j’entendais Lee
aux écoutes s’agiter, s’inquiéter de me voir manier de
telles armes comme un soldat quand le civil prétend
dévisser un obus. Parfois des oiseaux, effarés de tant
de clartés, voletaient autour des fenêtres, puis se réfugiaient à tire-d’ailes vers le cœur de l’ombre, dans le
cyprès du centre de la pelouse, s’y retrouvaient tous et
trouvaient ce soir-là la nuit bien étroite. Alors, écoutant ce bruit des ailes, bienheureux, nous nous souriions, nous
pensions à ce qu’il y a de plus petit et de plus frissonnant,
au cœur des oiseaux endormis. Puis, tristes, nous pensions
à nos propres cœurs, si proches, nous pensions à leur taille,
à leur poids, à leur douce forme, à la fossette qu’y cause la
flèche en s’enfonçant. Elle s’étonnait de n’avoir pas à revenir,
avec ce nouvel ami, au point d’où elle partait chaque mois ;
elle en éprouvait un espoir infini ; quelle vie divine, si désormais,
chaque amitié, au lieu de la détruire, s’amoncelait sur
l’amitié ! Nos deux visages étaient à la même hauteur, aucun
de nous maître de l’autre, elle m’attira vers elle, posa ses
lèvres sur mes lèvres, et soudain son corps entier s’agita,
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