Page:Giraudoux - Amica America, 1918.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
94


gens illustres qui se proposaient eux-mêmes, offraient ou des amis parfaits, ou (pour varier) des amis bizarres, ou tout ce qui était la renommée d’une famille, d’une ville : la fille du ministre des finances guatémalien dont on voyait les trois corps astraux à la lueur des cocuyos, le champion du monde au tennis. Clyton avait d’abord choisi tous ceux qu’un sacrifice à l’amitié avait rendu célèbres, Marjorie Dupont, qui sauva de la mer à dix ans Muriel Aspinwall, qui vivait depuis avec elle, qui l’abandonna (tout un mois de juillet, le mois qu’elles passaient à se baigner dans leur plage) pour Mae : Edith Bronte, dont on avait ravi au berceau la sœur jumelle, qui depuis la cherchait sans cesse, frissonnante devant chaque miroir inattendu. Puis étaient venues à la villa les gloires de la mode, auxquels Mae ne voulut jamais parler de leur talent : Edvina qui ne put chanter pendant le mois le plus long et le plus sonore d’Amérique ; Sargent auquel Mae refusait de poser dans son sommeil même, se tournant sans cesse ; on devait mettre le lit au milieu de la chambre et Sargent peignait en en faisant le tour. De temps en temps Clyton choisissait au hasard dans les lettres, et aujourd’hui il en gardait deux :

— Mon nom est Adélaïde de los Montes. Votre sœur veut-elle voir quelqu’un qui n’a jamais rien vu ? Je ne suis point sortie non plus de ma maison et je viendrai, si Mae le veut, dans un train spécial et fermé ! Ci-joint mes cheveux blonds. La tête de l’oiseau qui n’a pas volé est moins douce, me disent les poètes d’ici, à la main.