Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux ne s’arrête plus aujourd’hui que sur les cinq ou six mêmes phrases de la musique, sur les cinq ou six mêmes poèmes ; nous nous rencontrons sur une terrasse de plus en plus étroite ; il faut nous saluer maintenant, nous enlacer avec les précautions et la mathématique de deux acrobates qui se retrouvent, après vingt ans, au faîte d’une flèche de tour… D’ailleurs je me console de ne pouvoir les approcher, les hommes… Tant pis !

Car enfin tu les as vus ? Nous avons beau jouer à reprendre notre âge blanc de Munich, tu as appris depuis comment ils sont faits, hein ? tu les as vus ? Tu as vu ces tristes méplats de leurs tempes, ces joues de pierre ponce, usées comme s’ils passaient leur vie, depuis leur naissance, à se frotter à d’autres méplats, à d’autres joues ? Du haut du tramway, tu les as vus pousser leurs jambes de droite et de gauche, dès qu’une goutte de pluie les effleure, comme le protozoaire qu’un doigt d’homme a touché ? Tu as vu leur ardeur, leurs salutations mutuelles, dès qu’ils