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a trente ans. Je me suis brouillé avec elle le jour même où j’ai réussi à lui parler. À l’exposition du corps de l’archiduchesse Gisèle, je l’avais aperçue, après moi dans la file. C’était le premier cadavre qu’elle voyait ; j’attendis : je voulais saisir sur son visage le premier reflet que jamais y jeta cette sinistre aventure. Ce fut un reflet tout rose : elle se savait observée et se protégea de la mort par la pudeur. Je m’approchai d’elle à la sortie, dans le salon en papier mâché de la Résidence. Mais nous avions eu le tort de l’accabler toute la semaine de ces cartes postales allemandes gaufrées, sous lesquelles elle pouvait reconnaître avec les doigts, même en refusant de lire, des cœurs percés de flèches, des Tyroliens étreignant des Tyroliennes, et elle m’échappa. Je la rattrapai.

— Bonjour, mademoiselle.

— Passez votre chemin, monsieur.

Elle allait trop vite pour qu’on la dépassât, et j’étais pressé. Je marchai donc malgré moi tout près d’elle :