Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ségaux pense, comme tous les matins, que tout est bien, vraiment que tout est parfait…

Drigeard pense, pense que s’éveiller ainsi c’est tirer vraiment son cœur de sa poitrine (Drigeard est répétiteur, il est sentimental), que c’est le mettre dans sa main, le voir battre.

Ségaux pense que tout serait bien, tout parfait, mais sans ces renforts, dont l’unique souci est de s’aligner sur nous, et même dans le sommeil, pour s’orienter au milieu de tracas dont ils ne distinguent ni les fracas ennemis, ni les amis. On en a toujours un accolé à soi, ombre parallèle… ombre stupide d’ailleurs, avec ses plaisanteries de manœuvres, qui crie, quand il fait chaud : « Une bonne grenadine au kirsch !… Un bon Pernod !… »

Drigeard pense que refermer les yeux, c’est remettre son cœur en place. Deux fois, trois fois, il les referme… Que de cœurs à rentrer aujourd’hui !