Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

menacé)… Je vois soudain la route qui mène de Bayard à Pasteur ; (on y va par Dupuytren, qui eût peut-être guéri Bayard, par Jacquart qui eût vêtu Pasteur de satin). C’est de cette colline même que j’ai vu nos premiers hauts fourneaux (on y va par Autun, on change aux Losnes) ; nos premiers insectes travailler pour la garance et la soie (on y va par Montélimar, on voit Orange) ; c’est d’ici qu’une pente douce, mais une pente, me mène au sommet du Mont-Blanc, de la Maladetta, du Sancy, d’ici que j’ai un jour aperçu Paris ; j’ai grandi, le voyé-je mieux ?…

Le vent souffle. Autour de la licorne tremblotent de longs fils givrés ; comme les araignées, les licornes font la nuit leur toile. Lié à chaque ville, à chaque héros de France par un fil bien tendu, et d’exacte longueur, je reste immobile et heureux à mon balcon. La rue est déserte. Seul M. Klein demeure à la même place, à gauche de sa boutique. Je le vois qui fait des gestes sans