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la chair la plus meurtrie et la plus sensible de Paris, qui le retient, qui le rejette, affreuse naissance à chaque retour du front ; avec ses enterrements, dont la vue du moins soulage, car par chaque convoi la terre s’allège d’un témoin de la guerre ; avec ses fêtes meurtries : le 14 juillet attaqué de front par les Allemands, Pâques sans aucune, aucune résurrection, et Noël, qui ressemble à une alerte ; la France sans bonheur licite, et de celui qui saisit une joie tous les amis aussitôt sont tués, s’élèvent, et on le voit seul et honteux, comme le renard voleur avec sa proie quand de lui le troupeau d’oies sauvages s’envole et le dévoile ; la France, avec ses petites villes privées désormais de leurs plaisirs naïfs, de l’épicier qui ressemblait à Fallières, du maire qui ressemblait à Loubet, morts tous deux, étendus côte à côte et qui maintenant se ressemblent tous deux ; avec, dans le couloir de l’hôpital, le balayeur annamite, qui repasse sans cesse la même pensée sur son âme fêlée, et