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Vers le soleil que nul n’a toisé sans mourir ;
Et fébriles dans leur attente de souffrir,
Contemplent sur l’autel impérieux et sombre
S’ouvrir et se fermer les yeux rouges de l’ombre
Au caprice vermeil des flambeaux palpitants.
Et voici que sur les étranges pénitents,
Très lointaine ruisselle une musique aiguë,
Avec des voix d’enfants dont l’ivresse ambiguë
Oppresse de tendresse et caresse le cœur,
Et que du groupe évangélique, dans le chœur,
Se lève un bel apôtre à figure de femme,
Mince, agile, ondulant et fier comme une flamme,
Un Messie aux cheveux douloureux et sanglants,
Dont les regards pensifs et les gestes troublants
Font éclore, du haut des voûtes phosphoreuses,
Un vol éblouissant de langues amoureuses ;
Et l’essaim d’or de ces abeilles du désir
Paresseusement tourne, avant d’oser choisir,
Autour des lys de feu qui fleuronnent les cierges,
Puis, effleurant le front des héros et des vierges,
Lente, chacune élit un doux enfant pâmé,
Ensorcelle sa chair du songe parfumé
D’un voyage au pays des étoiles fleuries,
Et se pose, en mourant, sur ses lèvres meurtries.