Page:Giraud - Héros et Pierrots, 1898.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le bon tour que Pierrot a voulu me jouer,
Je consens, sur mon âme, à me laisser rouer !
Écoutons… cet écran peut avoir des oreilles !

(Il se cache.)

PIERROT (se contemplant)

C’est un autre, et c’est moi… Ses lèvres sont pareilles
Au sang vierge d’un cygne assassiné, ses yeux
Profonds comme des cieux, ses yeux mystérieux
Sont deux lacs de tristesse et de candeur où sombre
Le soir silencieux de mes yeux, et dans l’ombre,
Plus lointain qu’un espoir et plus pur qu’un regret,
Son visage éploré me suit comme un portrait.

ARLEQUIN

A qui parle-t-il donc de sa voix lente et basse ?
Personne !…

PIERROT (à son reflet)
Parle ! oh ! parle !

ARLEQUIN

Il regarde la glace !…

PIERROT (s’exaltant)

Je comprends maintenant !… C’était toi, cher absent,

Cher fantôme à la fois invisible et présent,

Qui me gonflais le cœur de cette étrange ivresse !