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Petit cierge amoureux brûlant par les deux bouts,
Arlequin, Eliane, évanouissez-vous !

(Il se lève.)

Combien j’en ai déjà, pâles, coiffés de nimbes,
Combien de ces profils féeriques, dans les limbes
De ma mémoire, et dans le vague clair-obscur
De mon âme, ô profils de tendresse et d’azur,
Aimés avant de vivre, et morts avant de naître,
Que je n’ai pas aimés, et que j’aimais peut-être !
(Se croisant les bras.)
Comme on devient mauvais, implacable et moqueur,
A se pencher ainsi sur les gouffres du cœur !
Et comme le cristal de la divine enfance
Se fêle étrangement à la première offense !
On en garde à jamais un sourire attristé,
Où la peur de souffrir semble de la fierté !
(Regardant le parc.)
O belle et froide nuit ! La neige au loin, la neige
Tombe sur les rumeurs du monde sacrilège,
Douce sœur du silence et des esprits plaintifs !
La lune se promène, et ses rayons furtifs,
Passant et repassant sur les herbes glacées,
Ce sont les chers désirs et les chères pensées
De quelqu’un qui m’appelle et que je ne vois pas…

ARLEQUIN (entrant essouffle)

Personne !