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Je rougis, je frémis, je sens mon cœur éclore.
L’amour se lève en moi, rose comme une aurore,
Et je suis fou des fleurs qui fleuriront demain.
J’aime. Je vais aimer. On dirait qu’une main
Mystérieuse et frêle et pleine de paresse
S’alanguit sur mon front pensif et le caresse,
Et c’est une douceur dont j’ai peur de mourir.

MEZZETIN (observant Arlequin)

De quoi diable Arlequin peut-il bien se nourrir ?
Ses yeux sont frétillants et ses oreilles roses.

PREMIER ABBÉ

Pierrot boit de la neige, et lui broute des roses !
Ce sont là deux façons neuves de se nourrir !

ARLEQUIN

Écoute-moi, Pierrot ! J’aime, je vais souffrir !

Et mon âme se fond dans cette rêverie.

Elle est pure, elle est fraîche, et c’est une prairie

Enfantine, couleur de songe et de matin,

Une prairie humide, où l’haleine du thym

Et le profond parfum des herbes écrasées

Embaument le riant exil de mes pensées.

Dis-moi, Pierrot, mon cher Pierrot, dis-moi pourquoi

Quelqu’un est là, tout près de moi, derrière moi,