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Non ! méprisant le jeu dont votre âme est ravie,
Je voulais ressentir l’ardeur que j’inspirais
Et dans mon propre cœur plongeant un de mes traits,
Sur des lèvres d’enfant baiser toute la vie !

Non ! je voulais aimer comme un homme ignoré,
Rejeter loin de moi ma divine nature
Et partageant enfin le délire sacré,
Souffrir de mon amour comme une créature !

Je voulais… Mais en vain ! Je suis resté le Dieu,
Auteur et spectateur du drame qu’il se joue !
À la honte d’Éros l’action se dénoue :
Malgré moi, comme vous je n’ai créé qu’un jeu !

En vain !… Ô ma Psyché ! j’ai leurré ta tendresse,
J’ai possédé ton corps haletant et pâmé
Et j’ai grisé tes sens du vin de ma jeunesse,
Mais malgré ton plaisir l’Amour n’a pas aimé !

Dites-nous maintenant, rapsodes et poètes,
Folle engeance par qui l’Olympe est blasphémé,
Pour complaire à la plèbe aux millions de têtes,
Assez sur l’âme humaine avez-vous déclamé ?