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Et moi j’écouterai monter jusqu’à mon front,
Comme un vent orageux plein de voix douloureuses,
La malédiction des âmes amoureuses ;
Vers le Dieu meurtrier tous les poings se tendront !

Les aèdes futurs et les joueurs de lyre,
De contrée en contrée errant sous le ciel bleu,
Devant le peuple ému chanteront son martyre
Et me reprocheront d’avoir tué par jeu !

(se tournant soudain vers les Immortels)

Par jeu ! Vous l’avez cru, vous le croyez encore,
Vous qui siégez ici, Dieux de l’ombre et du feu !…
Déesses de l’eau glauque et de la rose aurore,
Vous aussi vous croyez que j’ai tué par jeu !

Par jeu ! comme Bellone et Mars dans la mêlée
Bondissent de l’Olympe en jetant de grands cris !
Comme Pluton rendit Eurydice volée,
Comme Vénus la blonde aima le blond Paris !

Comme vous, Jupiter ! quand Junon vous ennuie,
Vous imitez le cygne et l’aigle tour à tour
Et que vous consentez à vous changer en pluie
Pour surprendre une fille insensible à l’amour !