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Éros

Par le Styx ! Par le Styx ! Je reçois ton serment !
Et maintenant, Psyché ! Permets à ton amant
D’aspirer, sans la voir, la rose de ta bouche !…

Ah ! s’ils pouvaient savoir quelle ivresse farouche
Naît de la lampe morte et des flambeaux éteints,
Les amants enlacés chasseraient de leur couche
La lumière importune à leurs jeux clandestins !

Sous les rideaux tirés Vénus est plus lascive :
Elle inspire à la chair un rêve illimité ;
Sur un lit ténébreux la volupté pensive
Donne au baiser qui passe un goût d’éternité !

Oublie, ô ma Psyché ! le monde qui t’oublie !
L’ombre nous renouvelle et sans cesse relie
L’extase qui commence à celle qui finit.
Au-dehors comme ici, tout se tait, rien ne luit.
Le berger dans le val dort auprès de ses chèvres ;
Et tandis que ma bouche, en proie aux douces fièvres,
Sur ton corps dévoilé cherche partout des lèvres,
Écoute le silence et contemple la nuit !

(Il attire Psyché dans ses bras.)