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Non ! je ne rêve plus, je suis bien éveillée !
Dans le monde réel je marche émerveillée !
Je ne me trompe pas : je vois, je sens, j’entends.
Le clair miroir sourit aux bras que je lui tends !
Je contemple en son eau mon image me suivre !
Je respire, je vis, je suis sûre de vivre !

(regardant autour d’elle)

Ce palais taciturne est fait pour le bonheur…
Tout est calme… Je sens se ralentir mon cœur.
Le ciel vaste, fleuri de grands nuages roses,
Dans la paix du couchant semble un pays de roses.
Le soir a revêtu son manteau de clarté
Et seule sur ce banc, je n’ai jamais goûté
Aussi profondément la tendresse des choses !

(On entend une chanson de berger et un piétinement de troupeau.)

Là-bas dans le chemin s’attarde une chanson…
C’est un berger qui passe, un roseau vert aux lèvres.
Le cœur insoucieux, il va menant ses chèvres.
Je le connais…

(Elle s’assied sur le banc de marbre et regarde au loin.)

Je le connaisC’est l’heure où brunit l’horizon…
Mes parents, sur le seuil de leur blanche maison,
Dénombrent les bœufs roux mugissant vers l’étable…
Hier, j’étais auprès d’eux… C’est l’heure délectable