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AUGUSTA KOPF

I

Tous ceux qui ont pu partir sont partis, et dans tout le village il ne reste peut-être pas dix familles alsaciennes. Les autres se sont dispersées aux quatre vents du ciel. Mais partout où un Alsacien a planté sa tente, il a emporté au fond de son cœur le souvenir du cher village ; dans les forêts de l’Amérique, dans les défrichements de l’Algérie, dans les rues bruyantes de Paris, sitôt que son âme se replie sur elle-même et s’abandonne à la rêverie, il revoit la vieille église où ses enfants ont été baptisés, le cimetière où reposent tous ceux qu’il a perdus, la place irrégulière où les marchands forains dressent leur petite tente de toile ; la fontaine aux eaux fraîches, avec sa colonne bizarre, qui faisait l’orgueil de la commune tout entière.

La fontaine murmure toujours ; que lui font les querelles et les malheurs des hommes ? Les marchands viennent toujours étaler sur la petite place leurs poteries grossières et leurs lainages à bon marché. La seule différence qu’ils remarquent, c’est que l’argent devient rare, et que les nouveaux acheteurs marchandent davantage.