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petite rivière que l’on entendait murmurer à une grande profondeur.

Schukraft le saisit vigoureusement sous les bras, le remit sur pied et l’aida à se tenir debout.

La neige tombait toujours, mais le vent avait cessé de souffler en tempête.

« Rien de cassé ? demanda Schukraft avec sollicitude.

— Ma casquette ? demanda le Rechigné d’un ton si piteux que Schukraft partit d’un grand éclat de rire.

— Elle est loin si elle roule toujours, dit-il en désignant du geste la vallée et la rivière.

— Mon parapluie ? » reprit Rebb, de plus en plus rechigné. Schukraft se contenta de faire un geste qui signifiait clairement : « Cours après ! »

Et mes cochons ? hurla Rebb en se tordant les mains avec désespoir.

— Dame ! les cochons, reprit Schukraft, un peu décontenancé ; le fait est que je les ai lâchés !

— Lâchés ! cria Rebb avec colère, je ne te le fais pas dire : tu les as lâchés, voilà un mot que je retiens et que tu répéteras devant le juge de paix ! »

Sans ajouter une seule parole, il tourna le dos à Schukraft et redescendit à grands pas dans la direction du village.

VII

Schukraft, trop ahuri pour répondre, le regarda partir, les bras ballants et les yeux écarquillés. Puis il fit entendre un petit sifflement et haussa les épaules. Quand il eut ainsi ex-primé ses sentiments intimes, il ramassa son couteau, le ferma et le mit dans la poche de son pantalon, car c’était sa place accoutumée. Ensuite, ayant retrouvé sa pipe au fond du trou qu’elle avait creusé dans la neige, il en fit tomber les cendres avec beaucoup de méthode, la bourra philosophiquement