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dessus, et je ne les prendrais pas, quand même tu me les donnerais pour rien.

C’est une manière de parler, reprit Rebb aven une figure déconfite.

— Je le sais bien ! » répondit Schukraft avec bienveillance ; et comme l’autre avait remis son mouchoir dans sa poche, il lui rendit, sans malice, la direction de son petit attelage.

À l’endroit où le chemin de Nimitz s’embranche sur la route de Colmar, la neige commença à tomber. Schukraft releva le col de sa veste, fit le moulinet avec son bâton et déclara que la neige pouvait tomber tant qu’elle voudrait, que cela lui était bien égal.

Rebb poussa un gros soupir, toussa à fendre l’âme et, d’un ton dolent, parla de ses rhumatismes. Ensuite il ouvrit son parapluie le plus maladroitement qu’il put. De plus, comme le vent s’était mis à souffler par bourrasques, Rebb eut absolument besoin de ses deux mains pour tenir le parapluie, qui folâtrait un peu, et les petits cochons profitèrent de son embarras pour se livrer aux fantaisies les plus extravagantes.

« Imbécile que je suis ! s’écria le grand Schukraft en retirant sa pipe de sa bouche pour prononcer ces paroles mémorables ; je m’en vais le nez au vent et les bras ballants pendant que tu te morfonds avec tes deux bêtes. Donne-moi ça. »

Rebb eut l’effronterie de se faire prier, de dire que ça finirait bien par marcher droit ; mais Schukraft ne voulut rien entendre, et les deux petits pourceaux, sentant que la corde était tenue cette fois par une main sûre et exercée, se mirent à trottiner comme deux amours.

Au bas de la grande côte qui mène au plateau de Plenitz, les deux petits cochons s’arrêtèrent brusquement, rapprochèrent leurs deux têtes et semblèrent se consulter.

Schukraft s’arrêta patiemment ; ensuite il demanda à ces messieurs si c’était pour aujourd’hui ou pour demain ? EnsuiteIl