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aux choux ; je serai obligé de te laisser partir seul, je ne voudrais pas, tu comprends, te forcer…

Bah ! reprit aussitôt Schukraft on lui versant un grand verre de vin blanc, j’ai les jambes plus longues que toi, et ce que tu peux faire, je peux bien le faire aussi. À ta santé ! »

Un sourire de triomphe passa sur les lèvres rechignées de Rebb, qui continua à se repaître aux dépens de son compagnon.

Quand il eut tant bu et tant mangé qu’il en avait les yeux comme allumés et la peau des joues toute tendue et toute luisante, il déclara qu’il était prêt à partir.

V

De la maison de Schukraft à la tuilerie qui est à main gauche, tout alla bien. Schukraft frappait la terre durcie du bout de son bâton, il tirait de grandes bouffées de sa pipe, et disait : « C’est bon de marcher quand il fait froid. »

Rebb allongeait des coups de parapluie à ses petites bêtes quand elles se mêlaient de ce qui ne les regardait pas, comme par exemple de revenir sur lui pour contempler ses bottes ou d’aller regarder les bornes kilométriques, ou de s’avancer jusqu’au fossé pour voir ce que c’était que ce grand feu qui fumait là-bas dans les champs.

À la tuilerie, Rebb eut besoin de se moucher ; comme le vent lui rejetait les plis de son grand manteau sur la figure, il ne savait comment s’y prendre, ou du moins il faisait semblant d’être très embarrassé. Tout naturellement, Schukraft lui prit des mains la corde qui retenait les petits cochons ; comme il était la bienveillance même, il déclara qu’ils étaient très jolis. Rebb saisit la balle au bond et lui proposa de les lui vendre, tout prêt à manquer de parole à l’aubergiste de Plenitz, s’il y trouvait son compte.

« Chose promise, chose due, répondit gravement Schukraft ; l’aubergiste compte