Page:Girardin - Petits contes alsaciens, 1892.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

Après s’être emmitouflé comme s’il s’agissait d’une expédition au pôle Nord, il emboîta son crâne dans un bonnet de laine qu’il tira jusque sur la nuque et ajusta par-dessus une coiffure étonnante, qui tenait le milieu entre le képi et la casquette de loutre et qui portait par devant une visière aussi large que l’auvent du boulanger.

Comme le ciel était bas et que ses rhumatismes lui prédisaient de la neige, Rebb le Rechigné tira de son coin un vieux parapluie de cotonnade qui avait connu de meilleurs jours et s’en alla chercher ses deux petits cochons. Ici, une difficulté se présenta à son esprit : « Comment tenir un parapluie ouvert et conduire en même temps deux petits cochons pleins de malice et d’entêtement ? » A peine posé dans son esprit matois, le problème se trouva résolu : « Je les ferai tenir par ce grand benêt de Schukraft ! » II fut si content de son idée qu’il appliqua un coup de parapluie à chacun des deux cochons pour leur fouetter le sang et les tenir en joie.

IV

« Ah ! ah ! te voilà ! dit Schukraft d’un ton plein de bonne humeur ; tu es le bienvenu, mais je ne t’attendais pas sitôt ! »

Rebb répondit effrontément que son coucou avançait.

Eh bien, pour prendre patience, reprit Schukraft d’un ton hospitalier, mets-toi à table et fais comme moi. Mais, qu’est-ce que je vois là ? reprit-il en apercevant les deux petits cochons ; tiens ! tu nous amènes de la compagnie.

— Ne m’en parle pas, répondit Rebb en faisant le bon apôtre ; je suis obligé de conduire cette vermine à l’aubergiste de Plenitz.

— Tu ne m’avais pas parlé de cela, reprit Schukraft en se frottant le menton ; c’est loin, Plenitz, et cela nous détourne de la route de Colmar au moins d’une lieue et demie.

— Ne m’en parle pas, répéta Rebb en s’empiffrant de soupe